Le Monument aux morts de Saint-Caprais de Bordeaux 1914-1918
Le Monument aux morts de Saint-Caprais de Bordeaux
1914-1918
Vers 1915, une rumeur en forme de boutade court, dit-on, les tranchées : « Pourvu que l'arrière tienne... ». Allusion ironique à une vie parisienne où théâtres et restaurants étaient réputés ne pas désemplir. Saint-Caprais de Bordeaux n'est pas Paris et le Conseil municipal veille alors à concilier les nécessités de la solidarité et les contraintes de la mobilisation. Dès sa session du 8 août 1914, il estime « indispensable de prendre des mesures pour soulager les misères présentes et à venir » (1). Une somme de 500 francs -prélevée sur le crédit inemployé pour l'achat d'une pompe à incendie- est votée. Une commission sera chargée de distribuer ces secours en argent et en nature. Le traitement des fonctionnaires municipaux est, lui, maintenu. Le Conseil, à la séance du 25 décembre, vote l'exonération des prestations de 1914 pour les prestataires qui avaient choisi de s'en acquitter en nature et dans « l'impossibilité absolue d'acquitter cette taxe ». Une liste de 22 prestataires est dressée dont 6 pour un ou deux fils mobilisés et 1 pour un domestique mobilisé. En 1915, une circulaire du ministère de l'intérieur invite les maires à « supprimer toute manifestation présentant un caractère de réjouissances publiques et à verser à des œuvres de guerre les sommes votées à cet effet ». Dans sa session de novembre 1915, le Conseil municipal décide ainsi d'affecter les 50 francs qui avaient été prévus de la façon suivante : 25 francs à l'Union des femmes de France (association de secours aux blessés) et 25 francs « à l'achat de laine pour confectionner des chaussettes pour les soldats. Ces chaussettes seront tricotées par les enfants des écoles et envoyées aux soldats de la commune les plus nécessiteux ».
La mobilisation touche la vie quotidienne. Le départ de Bernard Jaconet a entraîné la fermeture de la boulangerie et des difficultés d'approvisionnement. Le Conseil municipal demande la réouverture de la boulangerie par un sursis accordé au boulanger ou en faisant assurer la fabrication du pain par un ouvrier mobilisé. Le problème des terres abandonnées préoccupe par ailleurs le ministère de l'agriculture. Le Conseil municipal de Saint-Caprais de Bordeaux a constitué, dans sa séance du 2 mars 1916, un Comité d'Action agricole pour organiser le travail agricole dans la commune pendant la durée de la guerre. Dans sa session de novembre 1916, il considère que « dans la commune aucune terre n'est abandonnée du fait de la guerre, grâce à la bonne volonté des habitants restés dans leurs foyers et surtout grâce à l'activité inlassable des femmes restées seules à la tête d'exploitations importantes ». La précision mérite d'être notée. Ainsi « les semailles d'automne se poursuivent normalement malgré des températures peu favorables ». Autre problème, traité dans la session d'août 1918, la cessation de ses fonctions au 1er septembre de Mme Vve Prévôt, gérante du téléphone. Le Conseil désigne pour « remplir cet emploi » Mme Jaconet déjà « agréée par l'Administration des Contributions indirectes pour faire l'intérim de la recette buraliste, le receveur buraliste M. Lhomme étant mobilisé ». « Intérim » ! On ne sait pas si le Conseil ignore alors que le sergent Gustave Lhomme, qui a rejoint le 4 août 1914 le 20ème RI, ne reviendra pas : il a été « tué à l'ennemi » le 1er janvier 1915, à peine 5 mois après son incorporation, à Perthes les Hurlus, un de ces villages qui sera rayé de la carte par la guerre.
Le Monument aux Morts de Saint-Caprais de Bordeaux comporte 29 noms au titre de la Première Guerre mondiale. La moitié d'entre eux travaillent dans l'agriculture sous les mentions cultivateur (12), vigneron (2), agriculteur (2). On compte également 2 maçons, 2 charpentiers, 2 tonneliers, 1 chaudronnier. Il y a 2 étudiants, 1 employé de commerce, 1 employé de bureau, 1 coiffeur et 1 sans profession. Cette composition sociale peu diversifiée se marque, à l'époque, dans une caractéristique souvent ignorée : si l'on en croit les mensurations indiquées par les conseils de révision, la taille de ces jeunes hommes dépassait rarement les 1,70 m (2). Nos « Poilus » passeraient aujourd'hui pour des hommes de petite taille. Le plus grand culmine à 1,76 m.
Les âges de décès vont de 19 ans 3 mois à 44 ans 11 mois. Ce sont pratiquement deux
générations qui ont été sacrifiées. L'âge moyen de décès est 26 ans 5 mois. Que l'on songe également que la majorité des morts sont tombés à peine quelques mois après leur incorporation : 15 jours, 3 semaines, 1 mois, 2 mois, 3 mois... Ils sont ainsi 18 à succomber moins de 1 an après leur arrivée au corps qui a généralement lieu les 2, 3 ou 4 août, le décret de mobilisation datant, comme on sait du 1er août 1914. Pratiquement 2/3 de « pertes » en moins de 1 an ce qui montre l'effrayante importance de l'hécatombe pour une petite commune comme Saint-Caprais. Il y en a 3 qui survivent 1 an et plus, 6, 2 ans et plus, 2, 3 ans et plus.
Les circonstances de la mort se déclinent en quatre rubriques :
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« Tué à l'ennemi » : Balaresque Louis, Brouillet Jean, Condac Pierre, Degos Jean-Pierre, Gouilleau Jean, Grel Pierre, Lasserre Paul Albert, Lespagne Elie, Lhomme Gustave, Panel Joseph, Perrotin Jean Roger, Rolland Jean Fernand, Saint-Marc Henri ;
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« Disparu » : Benseil André, Binet Jean Jules, Gaubert Louis, Guyochet Aimé, Lacoste Fernand, Lager Jean Joseph ;
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« Blessures » : Balaresque Jacques, Chassereau Jean, Masse Elie, Sagne Jean René ;
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« Maladie » : Contre Pierre, Gaubert René Edouard, Goux Jean, Lager Pierre Gabriel, Laporterie Pierre Ismaël, Mounic Félix.
Quant aux lieux, les communes mentionnées permettent d'égrener la liste des départements martyrisés : Aisne, Ardennes, Marne, Meuse, Meurthe-et-Moselle, Moselle, Somme, Pas-de- Calais. On compte 1 mort en Belgique et 2 sur le Front d'Orient, dans les Dardanelles.
On connaît la formule de Malraux selon laquelle « la tragédie de la mort est en ceci qu'elle transforme la vie en destin ». Cela peut paraître un peu grandiloquent mais s'avère d'une parfaite justesse concernant les morts de la Grande Guerre. Leur issue donne à tous ces destins une commune noblesse même si certains peuvent apparaître plus singuliers que d'autres. Un des plus grands de ces drames est la disparition de fratries entières. Saint-Caprais en présente trois exemples.
Les frères Louis et Jacques Balaresque sont tous deux étudiants, Louis à l'Ecole d'agriculture de Grignon, Jacques en Ecole supérieure de commerce. Louis, l'aîné, est réformé le 22 juillet 1903 pour une hémorragie choroïdienne. Il sera néanmoins, comme la plupart des réformés ou ajournés, mobilisé le 14 août 1914. Il se retrouve sur le Front d'Orient. Sergent fourrier, il est nommé sous-lieutenant par décret du Président de le République le 22 janvier 1915. Le 21 juin 1915 il reçoit cinq blessures au cours d'un assaut, « le dernier dans la tranchée turque » : une blessure par balle de fusil, une blessure par schrapnel, trois blessures par éclat d'obus. Il est évacué et cité à l'ordre de l'armée le 1er août 1915. De retour au front, en France, il disparaît le 4 avril 1918. Il est officiellement décédé le 15 août 1918, 3 mois avant l'armistice après 4 ans de guerre, à Moreuil-Morisel lors de la seconde bataille de la Somme. Il est titulaire de la Croix de guerre avec palmes et chevalier de la légion d'honneur. Son frère Jacques est, dans le civil, un grand voyageur ; il a résidé successivement à Hambourg, Mexico, Paris puis de nouveau Mexico. D'abord dispensé comme étudiant, il est incorporé au 57ème RI en novembre 1902 puis rappelé le 16 novembre 1904 «n'ayant pas produit les justifications prescrites par la loi ». Il sera nommé sergent de réserve le 21 mars 1904. Mobilisé 10 ans plus tard, le 3 août 1914, il meurt de ses blessures le 24 août, après à peine 3 semaines de guerre, à Eton dans la Meuse le jour même où le village est incendié par les Allemands et entièrement détruit.
Les frères René Louis et Edouard Gaubert sont agriculteurs. Au conseil de révision tous deux ont été ajournés pour « faiblesse », ce qui ne les empêche pas d'être mobilisés. La Commission spéciale de réforme de Bordeaux passera René Louis au service armé le 5 novembre 1914. Il est affecté seulement le 25 février 1915 au 175ème RI et rejoint le Front d'Orient dès le 26 février. Il est déclaré disparu et tué à l'ennemi le 28 avril 1915 à Sedd al Bahr, en Turquie, dans les Dardanelles, probablement au combat d' Eski Hisselik où le 175ème venait de débarquer (27-28 avril 1915) (3).
René Louis Gaubert reçoit la Médaille commémorative et la Médaille de la Victoire. Son frère cadet, Edouard, est classé service armé seulement en mai 1917. Incorporé à compter du 3 septembre 1917, il est détaché au camp de Souges le 28 novembre. Il meurt à l'Hôpital de Bordeaux, à 21 ans, des suites d'une bronchite contractée en service. Les frères Jean Joseph et Pierre Gabriel Lager (orthographiés Laget sur le Monument aux Morts) sont également agriculteurs. C'est leur jeunesse qui interpelle. Jean-Joseph part aux armées le 6 août 1914, il est déclaré « disparu » le 26 novembre 1914 à Jonchery sur Suippe dans la Marne, à 22 ans, après 3 mois de front. Jonchery sur Suippe, aujourd'hui Nécropole nationale, est un lieu qui revient souvent dans les nécrologies. Le cadet de Jean Joseph, Pierre Gabriel, est incorporé le 16 décembre 1914, il meurt 3 mois plus tard également, le 10 mars 1915, à l'Hôpital mixte de Mont de Marsan, atteint de tuberculose pulmonaire. Il avait 19 ans.
Mourir à 20 ans ! Ce n'est ni plus ni moins enviable que mourir à 25 ou 40 ans mais on en a fait un repère symbolique, la marque du scandale de jeunes vies anéanties. Pierre Ismaël Laporterie, cultivateur, est incorporé le 9 avril 1915 au 10ème Régiment de Hussards. Il meurt à l'Hôpital de Tarbes 1 an plus tard, le 20 avril 1916, à 19 ans 3 mois, d'une « fièvre scarlatine avec myocardite ». Jean Roger Perrotin est agriculteur, il est mobilisé le 19 avril 1916 à 19 ans et demi. Il est « tué à l'ennemi », le 16 avril 1917, à 20 ans 7 mois, après 1 an de campagne, à Cerny (Ardennes), peut-être dans l'assaut de la « sucrerie » fortifiée, le 16 avril, justement, par la 153ème DI dont faisait partie le 418ème RI - « régiment martyr », selon un témoignage (4)- qui était celui de Jean Roger Perrotin. Jean René Sagne², coiffeur, est incorporé à compter du 17 avril 1917, il passe au 91ème RI le 14 juin 1918. Un mois et demi plus tard, le 1er août 1918, il est blessé à l'attaque devant Soissons : plaies du crâne, des deux bras, des deux mains, de la face, causées par des éclats d'obus. Il meurt dans l'ambulance qui le transporte, dans le secteur de Siry Magneval dans l'Oise. Il avait 20 ans et 6 mois.
Pour le rédacteur, à force de les scruter, ces noms sont devenus familiers et proches. Il y a des scrupules et des regrets à détailler le parcours des uns plutôt que des autres. Celui de Jean Jules Binet est particulier. Le personnage est remuant. Il a eu affaire au Tribunal de Marseille pour une peccadille. A Bordeaux, il change cinq fois de domicile en 7 ans. Il est déclaré sans profession. Rappelé le 4 août 1914, il est porté disparu le 20 août à Fax Fonteny (Moselle). Le jugement déclaratif de décès est rendu le 16 mars 1921 par le Tribunal de Bordeaux. Jean Jules Binet a bien été tué à l'ennemi le 20 août 1914. Il avait 30 ans, sa guerre aura duré 15 jours ! Jean Brouillet est vigneron lorsqu'il intègre en novembre 1903 le 2ème Régiment de Zouaves à destination de l'Algérie. Il est nommé sergent le 15 juillet 1915 et s'illustre par cette citation : « Plein de sang-froid et de courage, s'est maintenu avec quelques hommes sur un fortin ennemi malgré des pertes très sérieuses ». Il sera tué à l'ennemi le 18 avril 1917 à Moronvilliers (Marne) dès le début de la bataille dite des monts de Champagne (17 avril-20 mai 1917), après 2 ans et 8 mois de combat. Il est cité à l'ordre du corps d'armée : « sous-officier consciencieux, dévoué et très brave. Mortellement atteint le 18 avril 1917 en entraînant ses hommes à l'assaut des tranchées ennemies ». Il est titulaire de la Croix de guerre 2 étoiles de vermeil et de la Croix du combattant. Jean Gouilleau, charpentier de son état, effectue son service en 1910, successivement soldat de 1ère classe puis caporal. Le 26 octobre 1915, il est évacué pour blessure, « commotion légère par éclatement d'obus avec plaie superficielle de la partie inférieure gauche, petit projectile à extraire ». De retour au front, il succombe, tué à l'ennemi, le 24 mai 1917, après plus de 2 ans de guerre. Le lieu, Craonne-Chevreux, et la date indiquent à coup sûr qu'il participait, avec son 32ème RI, à la sanglante bataille du Chemin des dames. Jean Gouilleau aura la Médaille commémorative de la Grande guerre et la Médaille de la Victoire. Sa veuve reçoit un « secours immédiat » de 200 francs le 28 juillet 1917. La présence de Aimé Guyochet au Chemin des dames est également hautement probable. De la classe 1913 et incorporé le 25 novembre 1913, il est affecté au 418ème RI lorsqu'il commence sa « campagne contre l'Allemagne ». Il passe au 18ème RI le 10 juillet 1916 et disparaît à Craonne, tué à l'ennemi, le 6 mai 1917. La date et le lieu sont révélateurs : c'est le 4 mai, à 18 heures que le 18ème RI attaque le village de Craonne. Entre le 4 et le 8 mai, ses pertes s'élèveront à 800 hommes (4). Aimé Guyochet était de ceux-là. Sa veuve recevra un secours immédiat de 150 francs. Il avait 24 ans et presque 3 ans de guerre derrière lui. Le lieu et cette bataille sont emblématiques et à partir de leur indication il a été possible de reconstituer le parcours ultime de Aimé Guyochet. Cela reste également possible pour d'autres combattants.Ainsi Pierre Panel est tué à l'ennemi le 7 septembre 1914 à Champenoux (Meurthe-et-Moselle). Ce village est inclus dans le site de la bataille dite du Grand-Couronné qui se déroule du 4 mai au 13 septembre 1914. Pierre Panel y perd la vie dans les derniers jours après à peine 1 mois de campagne. Peut-on conclure sur une telle immense tragédie ? Peut-être en soulignant l'insondable gâchis qu'elle fut aussi, à l'exemple du sort de Henri Saint-Marc, jeune paysan ordinaire d'un paisible village girondin, qui s'en va mourir, dans la force de l'âge, aux Dardanelles, dans la lointaine Turquie, le 21 juin 1915, 1 mois avant son 28ème anniversaire...
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Archives municipales de Saint-Caprais de Bordeaux.
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Archives départementales de la Gironde, série R, Registre matricule.
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Wikipédia, Bataille de Sedd-Ul-Bahr.
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Wikipédia, Bataille du Chemin des dames.
Gérard LOUSTALET-SENS et Jean-Paul PETIT
(avec la collaboration de Michel BORD, André CRUBILLIE, Claude FONTANET
et Mireille NEUVILLE).
NOTICES INDIVIDUELLES
BALARESQUE Louis Amédée André. Né à Bègles le 7 octobre 1879, il est incorporé au 144ème RI pour son service militaire le 14 novembre 1900. Il passe caporal le 14 septembre 1901. Il est réformé le 23 juillet 1903 pour raisons de santé mais sera bien sûr rappelé le 14 août 1914 alors qu'il est encore mentionné comme étudiant. Il aura plusieurs affectations et le registre matricule est à ce sujet particulièrement confus. En 1902, il était sergent dans la Territoriale au 140ème RI. En août 1914 il est sergent-fourrier à ce même 140ème. Il est nommé sous-lieutenant le 22 janvier 1915 (voir article). Il devait bien se trouver sur le Front d'Orient puisqu'il est blessé dans une « tranchée turque » et évacué. Le registre le dit affecté alors au 176ème RI, mais c'était le 175ème qui était dans les Dardanelles à ce moment ! De retour en France, il est au 344ème RI (réserve du 144ème ) mais c'est avec le 415ème que son décès est constaté « sur le champ de bataille » le 3 avril 1918 à Moreuil-Morisel dans la Somme, à 38 ans et 6 mois, après une longue épopée de 4 années de guerre.
BALARESQUE Jacques Christ Camille. Le frère cadet de Louis Amédée est né le 20 juin 1881, également à Bègles. D'abord dispensé comme étudiant, il est incorporé au 57ème RI le 14 novembre 1902. Il y est nommé caporal puis sergent le 2 mars 1904. Il est rappelé le 3 août 1914 au 220ème RI. Il sera mortellement blessé à Eton dans la Meuse, le 24 août dans une vaine contre-offensive. Il avait 33 ans et, à l'inverse de son frère, à peine 3 semaines de guerre (voir article).
BEDIN Gaston Etienne. Il est né le 13 février 1889 à Bordeaux. Le site Memoiredeshommes le place dans la classe 1907 (et non 1909!) matricule 96. Il est introuvable avec ces références sur le registre matricule de la Gironde. Il n'est par ailleurs inscrit sur aucun monuments aux morts en France. Il apparaît néanmoins sur le Livre d'Or. Il a été tué à l'ennemi le 28 août 1914, à 25 ans et 6 mois, avec le 220ème RI où il a peut-être croisé Jacques Balaresque mort 4 jours avant lui dans le même secteur. C'était à Dompcevrin, dans la Meuse.
BENSEIL André. Maçon, né à Saint-Caprais le 25 mai 1890, il fait son service à compter du 7 octobre 1911 au 123ème RI. Il passe donc dans la réserve en 1913. Il est rappelé le 3 août 1914 au 7ème régiment d'Infanterie coloniale qui est caserné à Bordeaux. Il est déclaré disparu le 27 août au combat de Douaumont et officiellement décédé de ses blessures à Epernay dans la Marne le 2 septembre 1914. Il avait 24 ans et à peine 1 mois de guerre.
BINET Jean Jules. Natif de Bordeaux le 7 mai 1884, on ne sait quels hasards de l'existence le ramènent en Gironde après un détour par Marseille. Il est incorporé au 144ème RI à compter du 10 octobre 1905, envoyé en disponibilité le 28 septembre 1907 et rappelé le 4 août 1914 au 344ème RI, réserve du 144ème. Le 344ème embarque le 13 août en gare d'Orléans et rejoint son cantonnement de Fax-Fonteny (Moselle) le 19 août. C'était alors la frontière. Dès le premier engagement du 20 août, Jean Jules Binet est porté disparu. Le jugement du 16 mars 1921 le déclare mort pour la France, tué à l'ennemi, à la date du 20 août 1914 à Fax-Fonteny. Il avait 30 ans, 15 jours de mobilisation et 24 heures de guerre.
BROUILLET Jean. C'est un vigneron né à Lignan le 20 octobre 1882. Il fait campagne en Algérie avec le 2ème régiment de zouaves au cours de son service militaire en 1903. Il est rappelé le 12 août 1914 au 20ème RI. Il est sergent le 9 juillet 1915 avec une première citation le 20 septembre 1915 sans doute au cours de l'offensive d'Artois de ce mois à laquelle le 20ème prend part : « Plein de sang-froid et de courage s'est maintenu avec quelques hommes sur un fortin ennemi malgré des pertes très sérieuses ». En mars 1917, le 20ème revient en Champagne dans le « secteur tranquille » de Prosnes. L'objectif est le massif de Moronvilliers, tenu par l'ennemi, et le village du même nom. Après une préparation d'artillerie de 3 jours, 14-15-16 avril, l'attaque est déclenchée le 17. Le 18 le sergent Jean Brouillet est tué à l 'ennemi. Il sera cité à l'ordre du Corps d'Armée : « Sous-officier consciencieux, dévoué et très brave. Mortellement atteint le 18 avril 1917 en entraînant ses hommes à l'assaut des tranchées ennemies ». Etait-ce la Tranchée du Bois du Chien ou la Tranchée d'Oldenburg ? Le Boyau de Posen ou celui de Moronvilliers ? Jean Brouillet avait 34 ans et demi et 2 années et 8 mois de guerre. Il est titulaire de la Croix de guerre 2 étoiles de vermeil et de la Croix du combattant.
CHASSEREAU Jean. Né à Saint-Caprais le 4 décembre 1890, il était charpentier. Il fait son service militaire au 49ème RI à Bayonne en 1911. Passé dans la réserve le 8 novembre 1913, il est rappelé sans attendre le 3 août 1914 au même 49ème. Il participe à la contre-offensive de septembre dans le secteur de Craonnelle où étaient engagés des régiments du Sud-Ouest : Basques, Béarnais, Landais. Jean Chassereau meurt de ses blessures à l'Hôpital de Allemant dans l'Aisne, le 1er octobre 1914. Il est inhumé à Laon. Il avait 23 ans et 2 mois de guerre.
CHAVEROU Jean Albert. Il est né à Saint-Pierre de Bat le 7 avril 1894 mais était agriculteur à Saint-Caprais. Il est de la classe 1914 et ajourné pour « faiblesse » en juillet puis appelé et incorporé à compter du 16 décembre. Il passe du 144ème RI au 57ème RI où il est nommé caporal. Avec le 60ème RI, il est porté disparu le 16 avril 1917 au lieudit Godah (ou Godat), commune de Loivre, le premier jour de la grande offensive sur la Marne. Il décède de ses blessures au lazaret de Marle (Aisne) le 27 avril à 23 ans. Il y est inhumé au cimetière militaire à la tombe 51. Bien que le jugement le déclarant mort pour la France ait été transcrit à Saint-Caprais, son nom n'est pas sur le monument de cette commune mais sur celui de Saint-Pierre de Bat.
CONDAC Pierre. Né à Saint-Romain dans la Vienne le 23 juillet 1886 il était néanmoins cultivateur à Saint-Caprais. Il fait son service militaire au 133ème RI du 7 octobre 1907 au 25 septembre 1909. Il est mobilisé le 4 août 1914 au 6ème régiment d'infanterie coloniale. Il est tué à l'ennemi, le 26 septembre 1917, au bois des Caurières, un des secteurs emblématiques de la seconde bataille de Verdun. Il avait 31 ans et 3 années de guerre.
CONTRE Pierre. Il est né à Camblanes le 31 mars 1874 et vigneron à Saint-Caprais. D'abord dispensé comme aîné d'une famille de 7 enfants, il est incorporé le 12 novembre 1895 au 14ème régiment d'artillerie mais libéré dès le 27 octobre 1896. Il est immédiatement mobilisé, le 1er août 1914, au 18ème escadron du train des équipements militaires (ETEM). Il y restera 6 mois, le temps de contracter en service la maladie (non précisée) qui l'emportera à 40 ans, le 27 février 1915, à l'hôpital temporaire de Caudéran où il a été rapatrié. Un secours de 150 francs est accordé à sa veuve.
DEGOS Jean Pierre Albert. Employé de commerce né à Vensac (Gironde) le 3 décembre 1892, il est incorporé le 8 octobre 1913, nommé caporal le 4 avril 1914. Il est mobilisé au 6ème RI. Il est tué à l'ennemi dès le 16 septembre 1914 au cours de la bataille de l'Aisne à Gernicourt, sans doute dans la reprise aux Allemands à partir du 14 septembre du bourg de Berry-au-Bac. Il avait 21 ans et 9 mois et à peine 6 mois de guerre .
GAUBERT Louis. Il est né à Cénac le 30juin 1884. Il est cultivateur. Ajourné par deux fois, en 1904 et 1906, pour « faiblesse », il est classé service auxiliaire en 1907, ce qui ne l'empêchera de passer au service armé le 5 novembre 1914 au 144ème RI. C'est avec le 175ème RI qu'il rejoint le Front d'Orient le 26 février 1915 où il sera tué à l'ennemi le 28 avril à Sedd el Bahr dans les Dardanelles. Doublement décoré, il meurt à 30ans et 10 mois après 9 mois de guerre (voir article).
GAUBERT René Edouard. Né le 15 décembre 1896, à Saint-Caprais, il est le frère cadet de Louis. Il est également cultivateur. D'abord ajourné pour faiblesse, il est incorporé au service armé le 3 septembre 1917. Il n'y résistera pas et meurt à l'Hôpital Camp N°17 de Bordeaux des complications d'une bronchite contractée en service le 24 janvier 1918. Il venait d'avoir 21 ans et avait été mobilisé 6 mois (voir article).
GOUILLEAU Jean. Il est charpentier, né à Saint-Caprais le 3 octobre 1888. Il fait son service en 1910. Il est nommé caporal. Mobilisé le 3 août 1914, au 32ème RI, il passe sergent un an plus tard. Il sera tué à l'ennemi au Chemin des Dames le 24 mai 1917 au cours de la prise du hameau de Chevreux dans le secteur de Craonne. Il avait 28 ans et demi et presque 3 années de combats. Il a été blessé le 26 octobre 1916 et décoré (voir article).
GOUX Jean. Natif de Feugarolles (Lot-et-Garonne) le 22 septembre 1884, il réside à Saint-Caprais lorsqu'il est mobilisé, à l'âge de 30 ans au 220ème RI, régiment de réserve du 20ème. Il est au front au Bois des Chevaliers (octobre-décembre 1914) dans le secteur de Vaux-les-Palameix. C'est sans doute ici qu'il contracte la maladie (non-précisée) qui entraîne son retour à Saint-Caprais où il meurt le 17 novembre 1914. Sa tombe est une des quatre qui encadrent le monument aux morts de Saint-Caprais, la deuxième à gauche.
GREL Pierre Elie. Né au Bugue en Dordogne, il habitait Saint-Caprais, où il était cultivateur, depuis le 26 janvier 1913. Il est mobilisé au 9ème RI. Il sera tué à l'ennemi dès le 27 août 1914 à Noyers (Ardennes) au cours du repli général des 3ème et 4ème armées françaises. Il avait juste 29 ans et 3 semaines de combat. Le jugement le déclarant mort pour la France est transmis au Bugue le 17 décembre 1920 où son nom figure sur le monument aux morts de la commune comme sur celui de Saint-Caprais.
GUYOCHET Aimé Auguste Victor. Il est agriculteur à Saint-Caprais, né en Vendée à Saint-Julien des Landes, le 3 mars 1893. Incorporé le 28 novembre 1913, il ne quittera plus l'armée, jusqu'en 1917. Passé par le 418ème RI, il est au 18ème RI le 10 juillet 1916. Il est tué à l'ennemi à Craonne, le 6 mai 1917, lors de la désastreuse offensive Nivelle dans l'Aisne. Il avait 24 ans, 3 années et demi d'armée et 2 années et 9 mois de combats (voir article).
LACOSTE Fernand. Né le 5 avril 1812 à Lignan, il exerce la profession alors peu courante de « mécanicien chauffeur d'auto ». Incorporé le 9 août 1913, il prend un engagement de 5 ans le 14 août 1914 pour le 135ème RI. Passé au 175ème RI, il part pour le Front d'Orient et fait campagne dans les Dardanelles du 6 août 1915 au 26 avril 1916. De retour en France, il est affecté au 140ème RI dès le 26 avril. Il est à Verdun et tombe le 18 août 1916, après 2 années de guerre, à Damloup dans la Meuse, lieu de combat (le village sera détruit) proche du fort de Vaux. Il décède de ses blessures le jour même. Il avait 24 ans. Son nom est également sur le monument de Lignan.
LAGER Jean Joseph Louis. Cultivateur, né le 25 août 1892 à Saint-Caprais, il « part aux armées » le 6 août 1914. Il est au 107ème RI et disparaît dès le 25 novembre à 22 ans après 3 mois de campagne. C'est à Jonchery sur Suippes dans la Marne qui sera un des hauts-lieux du conflit.
LAGER Pierre Gabriel. C'est le frère cadet de Jean Joseph. Il est lui aussi cultivateur. Il est né le 20 décembre 1895 également à Saint-Caprais. Il est donc de la classe 1915. Il a à peine 19 ans lorsqu'il arrive au 34ème RI. Il y contracte la tuberculose dont il décédera le 10 mars 1915 à l'Hôpital mixte de Mont-de-Marsan. Il avait 19 ans et 3 mois et 3 mois de mobilisation, fauché comme son frère dans leur plus belle jeunesse.
LAPORTERIE Pierre Ismaël. Ce jeune cultivateur, né le 28 novembre 1896 à Saint-Caprais, est incorporé le 9 avril 1915 au 10ème régiment de hussards. Il a alors 18 ans et 5 mois ! Il fera tout de même 1 année de guerre avant de succomber à une fièvre scarlatine avec myocardite à l'Hôpital mixte de Tarbes le 10 avril 1916 à l'âge de 19 ans et 5 mois. Le jugement le déclarant mort pour la France parviendra à Saint-Caprais dès le 20 avril 1916.
LASSERRE Paul Albert. Natif de Baurech le 18 mars 1895, Paul Albert, maçon, n'a pas 20 ans lorsqu'il est mobilisé. Le 418ème RI est formé le 1er avril 1915 au camp de Souges. Paul Albert Lasserre y est incorporé et va ainsi participer en avril à la bataille d'Ypres où, le 22, a lieu la première attaque allemande au gaz toxique. Le régiment est à la reprise de Lizerne le 26 avril et le 29 le jeune homme de 20 ans est tué à l'ennemi. Il avait 4 mois et demi de campagne. Le jugement le déclarant mort pour la France est rendu dès le 31 décembre 1917.
LESPAGNE Elie. Cultivateur, né le 10 septembre 1875 à Madirac, donc de la classe 1895, il est « appelé à l'activité » le 16 novembre 1896 au 7ème bataillon de Chasseurs à pied. Il avait fonction de clairon et était chasseur de 1ère classe lorsqu'il est libéré le 25 décembre 1898 de ses obligations militaires. Il fait ses périodes d'exercices en 1901et 1909 au 144ème RI. Il est rappelé le 14 août 1914 au 140ème RI (caserné à Grenoble!) selon le registre matricule puis affecté, toujours selon le registre, au 160ème régiment d'infanterie territoriale (qui n'existe pas) et qui serait une affectation normale pour un soldat de 39 ans. On le retrouve au 360ème RI, régiment de réserve du 160ème. Le 360ème est alors en opération à la défense du plateau de Notre-Dame de Lorette. Le 3 mars, les Allemands déclenchent une violente offensive, Elie Lespagne est tué à l'ennemi ce 3 mars à Ablain Saint-Nazaire (Pas-de-Calais) au sud du plateau. Il avait 39 ans et demi et 8 mois de guerre.
LHOMME Gustave. C'est, on l'a vu, le receveur buraliste dont on déplore l'absence à Saint-Caprais. Il est né à Bordeaux le 12 janvier 1884. Il est donc employé de commerce. Il a été engagé volontaire pour 4 ans le 27 avril 1903. Il est caporal en 1904, sergent en 1906. Il passe dans la réserve le 27 avril 1907. Il rejoint le 20ème RI le 4 août 1914. Il est tué à l'ennemi dès le 1er janvier 1915, lors de l'offensive dite de Champagne, à Perthes les Hurlus, dans ce secteur tragique avec Somme-Suippes qui revient dans tous les historiques.. Gustave Lhomme avait 30 ans et 11 mois et 5 mois de campagne.
MASSE Eloi. Ce jeune cultivateur de 20 ans, né à Saint-Caprais le 21 janvier 1894, est incorporé le 4 septembre 1914. Il va passer, au hasard des mutations, par un certain nombre de régiments coloniaux : 3ème régiment d'infanterie coloniale en septembre puis, deux mois plus tard 1er régiment mixte colonial qui devient le 1er régiment de marche d'infanterie coloniale le 1er décembre... Finalement ce sera le Régiment d'infanterie coloniale du Maroc (RICM), nouvellement constitué en août 1914, qui a la particularité, malgré son nom, de ne pas comporter de soldats « coloniaux » et qui se charge de perpétuer la tradition des marsouins dans les troupes coloniales. En juin 1916, le RICM est à l'attaque du fort de Vaux tenu par les Allemands. Eloi Massé y perdra la vie face à l'ennemi le 6 juin. Il avait 22 ans et 5 mois et 2 années et 9 mois de guerre.
MOUNIC Félix. Il est né le 14 mars 1871 à Créon. Il est cultivateur. Il a été exempté en 1892 et affecté au service auxiliaire le 15 décembre 1914 pour des raisons médicales. Il est néanmoins convoqué au 144ème RI le 25 janvier 1916. Quinze jours plus tard il meurt de maladie à l'Hôpital auxiliaire de Bordeaux le 9 février 1916, à 1 mois de son quarante cinquième anniversaire.
PANEL Joseph. Il est tonnelier et né le 11 août 1887 à Saint-Caprais. Il fait ses deux ans de service en 1908-1910 au 12ème RI. Il est rappelé le 2 août 1914 au 212ème RI qui est chargé de défendre les hauteurs du Grand-Couronné près de Nancy, ville convoitée par les Allemands. Pont-à-Mousson, Lunéville, Champenoux, Dombasle sont au cœur de la bataille qui commence le 4 septembre. C'est à Champenoux que Pierre Panel est tué à l'ennemi le 7 septembre 1914. Il venait d'avoir 29 ans et avait seulement 1 mois de campagne derrière lui, suffisamment pour recevoir la Croix du combattant et la médaille de la Victoire. Le 12ème RI a versé un secours de 150 francs à la famille le 3 mars 1915.
PERROTIN Jean Roger. C'est un de ces jeunes gens de 20 ans disparus dans ce que le refrain de la Chanson de Craonne appelle « cette guerre infâme ». La mort de Jean Roger Perrotin, le 16 avril 1917, est contemporaine de la composition de ce cri de souffrance. Il était cultivateur, né à Saint-Caprais le 17 août 1896. Incorporé à compter du 9 avril 1915, il participe avec le 418ème RI à l' offensive Nivelle d'avril-mai 1917. Il n'y survivra pas et disparaît le 16 avril 1917 à Cerny dans l'Aisne. Il avait 20 ans et 4 mois et 2 années de guerre (voir article).
ROLAND Jean Fernand. Tonnelier, il est né le 8 décembre 1881 à Quinsac où son nom figure également sur le monument aux morts. Il effectue son service militaire en 1902 au 34ème RI, il en sort soldat de 1ère classe. Il est mobilisé le 12 août 1914 au 20ème RI. Le régiment est de l'offensive de Champagne du 20 décembre 1914 au 30 mars 1915, en particulier dans ce secteur âprement disputé de Perthes, Somme-Suippe, Les Hurlus... La 33ème Division d'infanterie est dans le secteur de Perthes du 20 au 26 mars et quitte somme-Suippe le 1er avril. Ce sera sans Jean Fernand Roland qui meurt de ses blessures à Somme-Suippe le 23 mars 1915. Il avait 33 ans et 1 année et 7 mois de campagne.
SAGNE Jean René. C'est un jeune homme de 19 ans, né le 27 février 1898 à Saint-Caprais, coiffeur de profession, qui est incorporé le 17 avril 1917 au 91ème RI. Ce régiment est engagé dans la bataille de L'Aisne du 3 juin au 9 août 1918.
(Publié dans l’ouvrage Les monuments aux morts de la Grande Guerre dans le Créonnais (sous la direction de Laurent Coste). Edité par la Société Archéologique et Historique du Créonnais, 2018)